Le mercredi 7 décembre 2022, Monsieur Frank Burbage, Inspecteur Général de l’Éducation, du Sport et de la Recherche, doyen du groupe de Philosophie, a prononcé la conférence de clôture  de l’événement,  Des Mésaventures de la pensée magique (vidéo disponible ici).

Cette conférence présupposant la lecture de l’éditorial des Estiennales, nous le reproduisons en guise de préambule :

Rien à faire. Toute lutte est vaine.

Quelle est donc cette obscure nécessité qui s’énonce parfois à la légère ou, le plus souvent, avec une inflexion de gravité côtoyant le tragique ? Il suffit de plusieurs faits néfastes qui s’enchaînent apparemment selon une régularité inexorable pour qu’on l’invoque avec assurance et sur un ton volontiers prophétique : « C’est la loi des séries ! ».

Dans le même registre superstitieux, l’expression usuelle « Jamais deux sans trois » paraît moins systématiquement nocive : à l’occasion, elle peut même sonner l’heure de la chance, plutôt que de l’infortune.

S’il est ici question de loi, la coïncidence n’est plus en cause, mais une puissance surnaturelle entre en scène qui explique tout, permet de repérer d’étranges et infaillibles ressemblances, sans s’embarrasser des nuances, des réserves, des preuves et du mode hypothétique qu’exige la raison. Notre appétit de sens est si dévorant qu’il se satisfait ainsi à bon compte de cette « loi » peu rassurante qui limite notre pouvoir d’agir sur le monde et nous fait adhérer bon gré mal gré à l’idée angoissante d’un destin. N’est-il pas urgent, dans ces conditions, de travailler à s’en défaire pour réintroduire dans notre pensée la perturbation libératrice de l’événement, par définition, imprévisible ?

Mais les séries en musique, en peinture, en dessin, en photographie, en design, dont on observe captivé les variations ou les scénarios de séries télévisées dont on suit assidûment les saisons, nous ont aussi familiarisé avec l’idée qu’il en va d’une ouverture au multiple et à la vibration des différences. Guidée, à l’instar de la nature, par un principe régulateur, l’imagination sous contrainte devient féconde et oriente le hasard. Dans la dynamique créative, la répétition s’émancipe de l’identité ou plutôt épouse, dans les cas les plus heureux, le mouvement ascendant du même et de l’autre.

Pour ce nouvel épisode du feuilleton des Estiennales, nous suivrons nos conférencières et conférenciers de divers horizons, sur ce large spectre parcourant les sciences, les sciences humaines, les arts, le design et les métiers d’art, comme les professions de la chaîne du livre.

Il fallait s’y attendre : nous n’échapperons pas à l’implacable loi des séries.